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  • Reflexion sur l’avenir de la Médecine libérale par BERTRAND DUCLOS

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    Bertrand DUCLOS, Medecin, Membre du bureau Chiffres et Citoyenneté

     

    Médecine libérale : Passer la consultation à 50 euros.
    Or celle-ci a été revalorisée de plus de 40 pour cent en 20 ans.
    Bizarre. Essayons une explication-bilan.
     
    D’emblée mettons de côté l’exercice de la Médecine en entreprises, la Médecine du travail ou la Médecine de PMI et les Médecins fonctionnarisés donc les tous les médecins salariés à rémunération mensuelle avec salaire versé par les organismes qui les emploient ; en effet la problématique de la tarification de l’acte médical ne se pose pas dans ces cas précis, même si on peut se poser la question de l’attractivité de ces secteurs médicaux .
    La grogne actuelle sur le niveau de  tarification de l’acte de base du médecin, la CONSULTATION MEDICALE, qui prend de l’ampleur aujourd’hui concerne les 140.000 praticiens de Médecine Libérale dont 44% sont généralistes et les autres spécialistes.
    C’est pour cette catégorie que se pose cette demande de 50 euros.
    Cette question est cruciale pour garantir une juste rémunération des praticiens mais aussi pour redonner à la Médecine de Ville l’attractivité nécessaire pour résoudre les enjeux énormes de l’accès à une Médecine de qualité sur l’ensemble du territoire.
    Monter à 50 euros sera le point de départ de la revalorisation progressive de tous les actes médicaux et paramédicaux. L’ensemble de la filière santé est concernée et les Français qui vivent dans les déserts médicaux savent au quotidien de quoi il s’agit, zones rurales d’abord et maintenant centres hyper-urbains.
    Valoriser pour attirer
     
    La décision de faire médecine repose certes sur la certitude d’exercer un métier qui a besoin de bras mais s’appuie sur une vocation visant à s’occuper des autres. Le corollaire salutaire est de pouvoir constater rapidement l’efficacité rapide de son action : angine, paracentèse, chirurgie de fracture, cataracte, réanimation. Le médecin voit, suit et qualifie l’évolution favorable chez le patient.
    S’ajoute la notion de don de soi, et une motivation du futur médecin avec une promesse d’empathie avec le patient, écoute réciproque, relation interpersonnelle inhérente à une haute idée de la Médecine telle qu’elle appliquée depuis Hippocrate.
    L’écoute du patient , l’acte technique avec reconnaissance du malade et de la société, l’arrivée et le développement des outils technologiques renforcent encore l’importance de cet engagement professionnel moral et éthique.
    Ce n’est pas au médecin de donner un prix à ce qui n’en a pas.
    C’est à la société de reconnaître la valeur de l’action de ceux qui se consacrent au  « Vivre en Bonne Santé », pilier fondamental d’une richesse collective et gage d’harmonie sociale.
    Parler d’augmentation de l’espérance de vie, d’avancée en âge en bonne santé, de prévention, d’autonomie des personnes du troisième et du quatrième âge, et constater l’abandon par les services publics de la Médecine de Ville est choquant. 
    Simplifier pour attirer.
    Long sacerdoce, ces études de carabin : d’abord réussir  le concours en Première Année Commune aux Etudes de Santé ( PACES), concours jugé absurde par beaucoup en concurrence acharnée avec bachotage et forte motivation pour être dans les 13 % de reçus en Médecine.
    Le bilan aujourd’hui est pour le moins contrasté :
    La population de spécialistes en augmentation de 3.2% depuis 2012 alors que parallèlement celle des généralistes diminue de 8.5%. Et pourtant c’est la démographie de ces derniers qui est la plus en état d’alerte : le tiers des médecins généralistes a plus de 60 ans !!!
    Le nombre de médecins augmente moins vite que la population française -2.2%  entre 2012 et 2021.
    Néanmoins, l’âge moyen des médecins libéraux est de 49.3 ans (50 ans en 2012), la féminisation participant au rajeunissement de la moyenne.
    Le jeune médecin va calquer son activité sur la vie de ses amis, en limitant ses heures de consultation souhaitant préservation de sa vie de famille et  temps libre.
    Le non-respect de la Médecine Libérale particulièrement par les autorités de tutelles (ministère, administrations diverses, caisses paritaires de la Sécurité Sociale…) l’a fait descendre de son piédestal. La prise de conscience s’est faite réelle et brutale par le corps médical ; elle devrait intervenir rapidement par les autorités de tutelle. Elle le sera aussi par les Français constatant la dégradation de l’offre de soins, surtout celle de proximité.
    L’exaspération de la profession et  l’inquiétude latente des patients, favorise cette ambiance morose  accentuée par l’interférence des sources internet souvent de légitimité et de sérieux douteux ; le relâchement sociétal généralisé, l’irrespect et l’agression des professionnels, la mise en doute des  compétences par des patients, en faut-il davantage pour détourner les bonnes volontés de la Médecine ?
    Et pourtant, du côté des consultations, le remboursement des produits pousse le patient à consulter pour « faire son marché » pour une prescription de Paracétamol ou des bas de contention.
    Le côté libéral est une illusion :
    -contrôle régulier de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie et des médecins conseils. Il s’exerce un contrôle du nombre d’actes du praticien, des examens complémentaires et du contenu des ordonnances,  
    -quantité chronophage de documents administratifs (pondus par l’administration  et normalement demandés par le patient),
    -augmentation des obligations de formation continue (réduisant ainsi le temps de travail),
    -basculement progressif d’une obligation de moyens à une obligation  de  résultat,
    -l’obligation d’une formation continue indispensable dans une telle profession,
    Et ce n’est pas tout :
    -l’augmentation régulière et importante des prélèvements et des charges sur les honoraires entrainant une diminution du bénéfice et un handicap pour l’embauche de personnel.
    -et l’idée latente d’une obligation de stage en zone défavorisée et d’une régulation des installations.
     
    Le médecin vissera sa plaque là où on lui dira et prescrira ce qu’on lui dira.  
     
    Quoi d’étonnant alors que la proportion de médecins étrangers s’installant en France soit en diminution, et que les étudiants français aient envie d’effectuer leurs stages de fin d’étude à l’étranger.
    Le revenu brut du Médecin Généraliste est environ de 90.000 euros et celui du spécialiste de 150.000 euros. Brut, donc il convient de diminuer ce chiffre de la moitié au moins par les charges liées à l’exercice ( URSSAF, Caisse de Retraite des Médecins Français, achat ou leasing de matériel, location et remboursement d’emprunt et les frais de personnel) et sur le chiffre restant payé l’impôt sur le revenu.
     
    Alors pourquoi cette demande d’une consultation à 50 euros ?
    Dès lors, augmenter à 50 euros est une requête qui va permettre l’embauche de personnel, un respect des revenus pour une profession entrant de façon tardive dans la vie active, un respect de la hiérarchie des études et le maintien des cabinets médicaux.
    En écoutant la demande des praticiens, vous entendrez d’abord l’envie d’une double libération : de leur tutelle et  des charges administratives et matérielles. L’augmentation de leurs revenus n’intervient qu’après.
    L’adjonction des professions para-médicales soulagera la  profession, les infirmières par exemple vont devenir indispensables pour effectuer les soins à domicile avec du matériel connecté  transmettant les données au médecin référent.
    50 euros parce qu’il faut redonner très vite à cette profession une attractivité qui se perd, donc pouvoir augmenter le nombre de médecins sur le terrain, libérer les praticiens des tâches administratives et redonner ainsi à cette profession son respect et son éclat